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jouets de filles ou jouets de garçons ?
Article du 13 janvier 2016
Prenant conscience de leur sexe, les enfants entrent dans « leur » rôle : les filles dans celui de princesse et les garçons de héros. « Oui, les enfants reçoivent des messages de la société et enfilent leur costume, différent par nature mais aussi conditionné par les stéréotypes. », raconte Anne Bacus. « Pour l’anecdote, une petite fille et un petit garçon face à une télécommande ont improvisé un jouet différent : la petite fille en a fait un téléphone et le petit garçon un pistolet ! ». Un garçon peut jouer à la poupée et une fille aux petites voitures. Il n’y a rien d’anormal à cela. Même s’il est important d’offrir à son enfant des jouets qui le confortent dans son sexe, chacun joue avec ce qu’il veut : manipuler des jouets du sexe opposé n'est pas prédictif d’une orientation sexuelle ultérieure !
« C’est une bonne chose d'accepter les demandes différentes des garçons et des filles, épée ou baguette magique, voiture ou poupon », explique Anne Bacus, « car le petit doit recevoir des jouets qui ont du sens et des attributs définissant son sexe. »
Il est clair que le marketing utilise, voire accentue cette différence pour vendre des jouets. La segmentation permet en effet de multiplier les ventes. Comme on peut le voir avec l'exemple des « Lego », les parents ont plus de mal qu’auparavant à transmettre les jouets achetés pour leur fille à leur garçon, et vice-versa, et se voient donc contraints d'en racheter de nouveaux… alors qu’il y a 30 ans, les Lego se vantaient d'être unisexe ! Aujourd'hui, les jouets « garçon » et les jouets « fille » sont déclinés dans des collections différentes.
Et pourtant non, la petite fille n’est pas bonne qu’à faire la dînette et le garçon prédestiné à devenir un héros des temps modernes ! La séparation des univers de jeu des filles et des garçons s'est accentuée au début des années 90 : aux garçons les jouets poussant à l'action et à la réussite, permettant un apprentissage technique, aux filles les jouets tournés vers la sphère domestique, un monde de « magie et de glamour ». Ces stéréotypes organisent une perception des rôles distincts dévolus aux filles ou aux garçons, et limitent leur champ d'orientation professionnelle comme le souligne un rapport du Sénat intitulé Jouets : la première initiation à l'égalité.
Il est important de se détacher des stéréotypes et éventuellement de privilégier des jouets asexués et neutres pour décrocher du modèle « jouets filles, jouets garçons ». Tout en respectant les demandes et les envies des enfants, offrez des jouets qui conviennent aux deux sexes (jouets scientifiques, sportifs, de construction, éducatifs). Ces jeux offrent le choix et la liberté aux enfants.
L’afflux de jouets neutres a provoqué quelques réactions moqueuses. Ainsi, dans son article publié dans The Atlantic, Christina Hoff Sommers avance que Les jouets non-sexués ne fonctionnent pas, parce que filles et garçons n’ont pas « les mêmes intérêts, tendances naturelles ou besoins. » Elle nous rappelle qu’à l’époque où Hasbro a essayé de vendre une maison de poupées pour garçons, ceux-ci passaient généralement leur temps à catapulter un landau depuis le toit.
Certains parents ont commencé à réclamer des jouets d'imitation mixtes (dînette, boîte à outils...), leurs garçons ayant eux aussi envie de passer l'aspirateur. Certains fabricants ont su « être à l'écoute » : ainsi la marque Tim et Lou propose outils de bricolage ou de cuisine s'adressant aux filles comme aux garçons, avec un packaging plus neutre (blanc, orange, violet).
En conclusion, on peut rappeler ce qu’écrit Anne Bacus : « C’est formidable que les petits garçons puissent avoir accès à l’univers traditionnellement destiné aux filles et inversement. Personne ne doit s’étonner qu’une fille joue au basket ou aux voitures de course ou qu’un garçon joue à la poupée. »
Joël Vandemoëre, éducateur de Jeunes enfants