Interview > 3 - 6 ans |
la ludothèque : un lieu intergénérationnel destiné au jeu
Article du 20 septembre 2016
MagaZEN : Sabine Lecontre, peux-tu nous expliquer d’où vient cette passion du jeu ?
Sabine Lecontre : C’est mon père qui a éveillé mon intérêt pour le jeu. Dans le centre de vacances dans lequel il travaillait l’été, un animateur venait tous les vendredis avec des jeux qu’on ne connaissait pas, ce qui a constitué l’«initiation ». Après ça, nous nous sommes mis à aller tous les ans au Salon du Jeu et avons collectionné des jeux inconnus du grand public. Ça a été la seconde étape.
Puis un jour, des animateurs de ma ville ont décidé de se former pour monter une « Ludomobile », une ludothèque mobile, qui amenait les jeux aux gens. Je les enviais de loin jusqu’à ce que je postule pour un été. J’ai été retenue, et ce fut l’enthousiasme. Par la suite, j’ai été vacataire à l’année.
J'ai appris par cœur le système ESAR, le système de classification des jeux et jouets, la bible de tout ludothécaire. En le lisant, j’ai découvert plusieurs facettes du jeu dont je n’avais même pas conscience. J’ai appris que chaque objet ludique correspond à une étape du développement, à un besoin cognitif. Il s’agit de stimuler, d’apaiser, de divertir… Le jeu permet d’agir de façon sensible et directe sur les enfants comme sur les adultes. Il y a des jeux pour tout le monde, et c’est une vraie science.
MagaZEN : Que vous évoque le mot « jeu » ?
SL : Cela évoque la joie, les rires, le partage. Comme disait le philosophe grec Platon : « On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation. ». Ensemble, les joueurs se retrouvent dans une bulle hors du temps et de l’espace. Ca a quelque chose de magique. Le joueur va tricher, mentir, dire la vérité, s’enrichir ou perdre de l’argent. Donc jouer c’est aussi expérimenter ce qui peut se passer dans la vraie vie.
En ce qui me concerne, je n’ai pas la passion du jeu. Ce qui m’intéresse, c’est trouver le jeu qui correspond à chacun et qui rassemblera les joueurs. À la ludothèque, les parents viennent d’abord pour leurs enfants, puis rencontrent d’autres familles qu’ils n’auraient peut-être jamais croisées en dehors. Le jeu, c’est aussi un moyen d’échanger entre l’adulte et l’enfant. C’est un support à la relation.
MagaZEN : Quelles sont les missions d'un(e) ludothécaire ?
SL : En tant que ludothécaire, on travaille dans une ludothèque, un lieu ouvert à tous les publics, où l’on pratique le jeu libre.
On peut trouver des ludothèques municipales, associatives, dans des structures consacrées ou d’autres comme les centres sociaux, les structures spécialisées… Il y a des ludothèques où l’on peut jouer, d’autres où seul le prêt est possible, d’autres encore qui proposent les deux. On en trouve des fixes, des mobiles ; il y a tout un éventail de possibilités ! C’est un métier aux multiples facettes qui est passionnant mais qui demande un investissement personnel important.
Le ludothécaire doit parfaitement connaître les jeux qu’il propose afin de ne pas se tromper et répondre au mieux aux besoins des publics accueillis. On peut intervenir partout ; par exemple la ludothèque Quai des Ludes, à Lyon (www.quaidesludes.com), propose des interventions dans des maisons d’arrêt.
MagaZEN : Quels sont les différents services que vous proposez ? Lequel est le plus demandé ?
SL : Nous animons des espaces de jeux, assurons des formations et proposons la location d’expositions ludiques interactives. Notre activité principale est l’animation de jeux. Nous proposons des animations régulières et ponctuelles autour de jeux de société tout au long de l’année dans des établissements scolaires : écoles maternelles, primaires et collèges, des centres de loisirs, des MJC, des associations de nouveaux migrants…
MagaZEN : Quels types de jeux proposez-vous ? Pour quel public ?
SL : Les jeux sont classés par catégorie d’âge :
Les jeux d’exercices pour les plus petits qui doivent développer les sens et l’éveil
Les jeux symboliques comme les dînettes, les garages, les poupées, les déguisements…
Les jeux d’assemblage comme les LEGO, les puzzles, les KAPLA
Les jeux à règles comme les dames, les échecs… du plus simple ou plus complexe
Il y a aussi « l'heure du jeu », pendant laquelle un animateur est à la disposition du public, soit pour jouer, soit pour donner des explications. Trois matinées par semaine, des classes viennent à la ludothèque. La plupart du temps, nous leur proposons des jeux de coopération (tous ensemble contre le jeu) par groupe de trois ou quatre enfants.
Beaucoup de haltes garderies, d’espaces petite enfance et d’assistants maternels viennent louer des jouets et des jeux au mois. Les enfants se lassent très vite. La ludothèque permet de varier les jeux pour un coût modique, en fonction de l’âge et des acquis de chaque enfant.
Pour connaître les ludothèques, proche de chez vous, nous vous invitons à consulter ce lien : http://www.citizenkid.com/ludotheque-paris
Si vous souhaitez obtenir plus d'informations sur le métier de ludothécaire et sur les ludothèques, en général : http://www.gestasso.com/association/associationdesludothequesfrancaises
Propos recueillis par Joël Vandemoëre, éducateur de jeunes enfants