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Les bébés nageurs
Article du 13 décembre 2017
MagaZEN : On entend parler de « bébés nageurs » ; pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Nathalie Corceiro : L’activité « bébés nageurs » est née il y a près de cinquante ans. En 1968, ils étaient une vingtaine d’enfants « bébés nageurs » ; ils sont aujourd’hui plus de 100 000, âgés de quatre mois à six ans, à pratiquer cette activité en France.
La dénomination « bébés nageurs », bien qu’inappropriée, est largement répandue et relève plus du fantasme que de la réalité. En effet, les médias lorsqu’ils évoquent les « bébés nageurs » montrent des images flatteuses de bébés nageant sous l’eau, images qui frappent par leur beauté et qui rappellent le rêve d’un paradis perdu, le milieu intra-utérin.
Mais qu’on se le dise : « les bébés-nageurs » ne nagent pas !
L’activité ne vise pas à apprendre la natation au nourrisson mais à l’initier au plaisir de l’eau.
Ce n’est que vers six ans, lorsque l’enfant saura coordonner les mouvements de la totalité de son corps, sa respiration et suivre des consignes qu’il pourra apprendre à nager.
MagaZEN : Comment cette activité est-elle apparue en France ?
N.C. : En 1968, M. Badreau (conseiller technique national de la Fédération Française de Natation) rapporta des Etats-Unis un film montrant de très jeunes enfants évoluant dans l’eau.
Ce film présenté à l’Institut National des Sports permit de conduire les premières recherches dans ce domaine, et Jacques Vallet, Guy Azemar, Claudie Pansu, Yves Camus commencèrent les premières expériences françaises.
Très rapidement, les observateurs constatèrent des réactions d’angoisse forte chez les bébés et décidèrent d’abandonner cette méthode pour se concentrer sur l’observation du comportement aquatique spontané et naturel des enfants.
C’est donc à partir de l’observation des activités et des comportements spontanés des jeunes enfants, de leurs besoins d’explorations et de leurs capacités motrices que s'est imposée une pédagogie active qui laisse une plus grande liberté à l'initiative des enfants et des parents.
MagaZEN : En quoi consiste cette activité ? Et qu’apporte-t-elle aux enfants et à leurs familles ?
N.C. : Une séance de « bébés nageurs » c’est du plaisir pour les enfants et les parents, des cris, des rires… D’abord portés par leurs parents, les tout-petits – dès l’âge de 4 mois – découvrent le milieu aquatique.
Une fois cette découverte faite, ils s’engagent dans de nouvelles explorations de plus en plus complexes, d’abord en diversifiant les moyens de flottaison, puis en faisant du toboggan, mettant la tête sous l’eau, utilisant de petites palmes…
Petit à petit, les enfants développent ainsi leurs facultés motrices, gagnent en autonomie et prennent confiance en eux et dans le milieu aquatique.
Grâce au soutien que lui apportent ses parents, « bébé » apprend à découvrir l’eau, à flotter et à se déplacer, à être à l’aise dans et sous l’eau. L’eau favorise l’éveil de l’enfant en lui apportant des sensations nouvelles : pesanteur, bruits, contact de l'eau sur la peau, scintillement de l’eau. L’eau agit comme un révélateur de l'éveil de l'enfant, de ses progrès, de sa relation à l'environnement et à ses parents, de ses inquiétudes et à sa capacité à les dépasser.
Découvertes sensorielles, activités motrices, développement psycho-affectif, éveil social, tels sont les bienfaits des séances de bébés nageurs. Avec l'eau, par l'eau et dans l'eau !
MagaZEN : Comment vient-on aux « bébés nageurs » ?
N.C. : Le plus souvent les parents viennent au « bébés nageurs » après avoir constaté que les moments du bain sont des moments particulièrement privilégiés et heureux dans leur vie quotidienne. La piscine s’inscrit alors dans ce qui est possible de faire avec son enfant même tout petit.
MagaZEN : Quelles sont les précautions à prendre ?
N.C. : Il faut faire attention à ce que bébé n’ait pas froid. Jusqu'à 18 mois, les bébés ne savent pas réguler la température de leur corps ; c'est pourquoi l'eau de la piscine devra être à 32°C. En effet, un bébé qui a froid devient pâle, inactif, a les lèvres violettes ou encore des marbrures sur le corps, ce qui est néfaste pour sa santé !
Il faudra par ailleurs veiller à :
- Ce que l’enfant ait mangé avant l’activité, surtout s’il s’agit d’un tout-petit.
- Adapter le temps des séances à l’âge de l’enfant : de 15 à 20 minutes pour les tout-petits jusqu’à 45 minutes maximum pour les plus grands.
- Respecter les règles d’hygiènes de la piscine (couches adaptées à l’activité, bonnet de bain, etc.).
MagaZEN : Un accompagnement spécifique semble donc nécessaire.
N.C. : Oui ! L’accompagnement des parents par les professionnels va se situer sur deux registres:
- Une aide « technique » au plan corporel : Pour l’adulte, savoir se déplacer dans l’eau sans nager, trouver ses appuis pour donner au bébé ceux dont il a besoin, soutenir l’enfant sans le serrer ni le tenir, éviter toute manipulation maladroite… Autant d’indications nécessaires pour assurer la sécurité de base de l’enfant.
- Un accompagnement relationnel et dynamisant auprès de chaque famille de sorte que les parents soient les meilleurs guides dans les jeux de leur enfant.
Le rôle des accompagnateurs peut se résumer par : « Etre avec, laisser faire, inventer avec ».
MagaZEN : Une conclusion ?
N.C. : Cette immersion dans le monde des « bébés nageurs » démontre que la curiosité est une vertu, l’étonnement une sagesse, l’initiative une qualité, le mouvement une joie et l’expérience la base de toute connaissance.
Quelques pistes pour aller plus loin :
FAAEL : Fédération des activités aquatiques d’éveil et de loisir.
Quelques lectures :
D. Anzieu. Le moi-peau. Dunod.
C. Pansu. L’eau et l’enfant, un espace de liberté : plaisir, jeux, éveil. Paris. Amphora.
C. Pansu. Bébés nageurs – adaptation du jeune enfant au milieu aquatique - intégration des enfants porteurs de handicap. Amphora.
E. Pickler. Se mouvoir en liberté dès le premier âge. Editions Erès.
C. Potel. Bébés et parents dans l’eau. Collection Mille et un bébés. Edition Erès.
C. Potel. Le corps et l’eau. Une médiation en psychomotricité. Edition Erès.
H. Montagner. L’enfant acteur de son développement. Stock.
A. Montagu. La peau et le toucher : un premier langage. Seuil.
D. Winnicott. L’enfant et sa famille, les premières relations. Payot.
D. Winnicott. L’enfant et le monde extérieur. Le développement des relations. Payot.